Melania G. Mazzucco / J'ai Lu / 8.40 €
Un roman sur la vie du Tintoret, dernier grand peintre vénitien de la Renaissance, avant le Baroque. Le roman commence le 14 Mai 1594 et finit le 31 Mai 1594 : durant ces quinze derniers jours, il livre sa dernière toile, et devenu narrateur nous dévoile lui-même sa vie et ses passions.
Parmi elles, sa fille ainée, qu'il a eue avec une prostituée avant son mariage : Marietta. Elevée parmi les toiles et les dessins de son père, elle se met très tôt à la peinture. Elle deviendra célèbre, notamment dans les portraits, sous le surnom de Tintoretta : la reine d'Espagne la fait mander à Madrid pour une série de portraits royaux. Son père, d'une jalousie féroce, lui interdira toute carrière en la mariant (pour son bien !) à un joaillier local. Elle mourra en couches lors de son premier accouchement. Pour leur bien aussi, ses autres filles seront enfermées l'une après l'autre dans des couvents, petit rappel émouvant sur cette pratique de l'internement massif des femmes jusqu'au XVIIIème siècle. Le roman montre bien le fonctionnement de la Sérénissime à cette époque, où se mêlent népotisme et évergétisme, exaltation du combat face aux Turcs et basses intrigues face à Rome, Vienne ou Madrid. Il y a une très belle évocation de la peste de 1576 dans la lagune et de la réaction des populations face à elle. Cette peste emporte le Titien, pour la plus grande gloire du Tintoret qui, restant dans la ville désertée, deviendra enfin le premier peintre de Venise.
Mazzucco dresse un portrait peu sympathique du personnage, mais le Titien ne méritait pas mieux. Laflagornerie est sans doute le prix nécessaire à payer pour le talent, et l'ambition de ces peintres qui doivent leurs commandes à l'ego démesuré de leurs clients publics, religieux ou privés. Il faut qu'ils atteignent un très haut niveau de célébrité pour se permettre de dire « non » !
Jean-Marc